L’EIFA, un camp à l’accent québécois !

Publié le par tom.deligny

coach Frank et cédric Esserméant

Les deux fondateurs du camp EIFA: Frank Chagnon et Cédric Esserméant

 

Alors que l’équipe de France de football américain se préparait à la coupe du monde sur les terrains du CREPS de Strasbourg, d’autres joueurs se rassemblaient à l’espace V de Villepinte, en banlieue parisienne, pour participer à un stage organisé par l’Ecole Internationale de Football Américain (EIFA). Une cinquantaine de joueurs et de coaches ont rogné leurs vacances dans le but de parfaire leur connaissance du jeu, leur technique et leur pédagogie. Pendant cinq jours, ils ont revu leurs bases à raison de deux entraînements par jour. « Drivés » par des coaches venus pour la majorité de l’université canadienne de McGill, les participants viennent vivre un mini-camp d’entraînement avec pour unique but : devenir un meilleur joueur de Football. Reportage !

 

Lucka montre la position

Anthony Lucka, coach des Linebackers

 

En ce vendredi soir, synonyme de fin d’année scolaire, un homme d’une trentaine d’année, polo rouge et short floqués EIFA, accueille les 43 participants du stage « Nord ». Cédric Esserméant, président du club des Centaures de Grenoble, est l’initiateur de ce projet, dont la première édition l’an passé avait compté 53 inscrits. Il en est principalement le responsable administratif et logistique. S’il est satisfait du doublement des effectifs, il espère atteindre l’été prochain « les deux cents personnes sur les deux stages nord et sud afin de rentrer enfin dans nos frais ». En fin commercial, il a su vendre « son » camp d’entraînement auprès d’un public de joueurs toujours plus nombreux et désireux de progresser. « Il faut savoir perdre d’abord de l’argent pour en gagner », souligne-t-il. Mais le principal n’est pas là : il est fier d’avoir monté une « école de qualité qui garantit des résultats : nous sommes sûrs de nous ! Nous remboursons si le participant estime ne pas avoir progressé ». Preuve à l’appui, il énumère les résultats des clubs qui ont compté dans leurs rangs des pensionnaires de l’EIFA : « Les Ours ont réussi à monter en D2 après une saison parfaite, les Météores ont atteint les demi-finales de D2 et les Centaures ont échoué en finale Elite ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes, sur les 53 participants de l’an dernier, 20 sont revenus ! »


coach Matt Connel, QB Coach Matt Connel, coach des QB

 

Les inscriptions faites et avant de passer à table, l’équipe des coaches se présente. Les « Redmen », tout de rouge vêtus, portent fièrement la couleur de l’Université canadienne de McGill. Les CV exposés font briller les yeux des auditeurs et la plupart restent admiratifs face à Charles-Antoine Sinotte ou Anthony Lucka, deux joueurs clefs des Centaures de Grenoble, vice-champion de France en Elite cette saison. « L’important, c’est de se faire plaisir, en devenant un meilleur coach ou un meilleur joueur. Et surtout n’oubliez pas que les nuits sont faites pour se reposer », ajoute « coach Frank », prévenant ainsi que le camp sera dur.

 

Deux jours plus tard, casquette fixée sur la tête, lunettes de soleil ne laissant rien transparaître, seule sa voix porte. Grave, forte en verbe, douce en accent, juste à l’écoute. « Regarde le joueur, le gazon ne changera jamais de couleur ! » Le linebacker visé sourit mais s’attache à suivre les conseils prodigués par « coach Frank ». Celui-ci montre, démontre, regarde, corrige comme tout bon pédagogue. Il n’est que 8 heures 30 ce lundi matin, mais les joueurs et coaches sont déjà en train de boire les paroles de l’un des entraîneurs de McGill. Dès le premier entraînement samedi, Frank Chagnon avait posé les bases du contrat : « Quand je vous pose une question, c’est  oui coach ou non coach ! Quand je siffle, on termine la session, on n’essaye pas une dernière fois. Quand on vous donne deux chances, vous n’en avez pas une troisième ! »

 

Un apprentissage douloureux

 

La cinquantaine de passionnés réunis autour de lui sur le terrain en synthétique des Diables rouges de Villepinte (Seine-St-Denis), a bien compris le message. Les joueurs, très impliqués, savent qu’ils doivent suivre à la lettre le programme très chargé du stage pour atteindre leurs objectifs. Les coaches eux-mêmes montrent l’exemple. Les linemen sont bluffés par leur intervenant. « Coach Gus », massif gaillard, déplace précisément ses 160 kilos de muscles, restant toujours sur ses appuis. Elu deux fois MVP offensif de l’année (2004 et 2005) en NCAA avec les Tigers de Towson, chose rare pour un homme de ligne, il donnerait presque le tournis à ses apprentis, dont les jambes se raidissent sous l’effet des crampes.

 

Jonathan et Yvain s'exercent Jonathan s'exerce au bloc avec Yvain (de dos)


Les corps des joueurs doivent supporter deux séances de deux heures intensives pendant cinq jours et certains « athlètes » ne sont pas habitués à un tel rythme de travail. Jonathan le concède : « D’habitude on a deux entraînements par semaine : la somme de travail est donc ici énorme. Mais finalement, c’est très court : j’aurais aimé avoir deux jours de plus même si je ne sais pas si on pourrait tenir physiquement le coup. » Cette formule lui convient : « En enchaînant les sessions, tu restes dans le move. Quand l’entraînement est terminé, on a un coup de barre et c’est dur de repartir. » Joueur aux Princes de Montbéliard, l’électricien de métier a pris une semaine de congé et s’est inscrit car il en avait « marre de stagner. Je veux apprendre plus que ce que me donne mon club actuellement. » D’un gabarit plutôt petit, le receveur doit encore progresser dans ses « catches », ses appuis. Il pense encore travailler pendant les vacances ce qu’il a appris et le mettre en pratique dans son club, sans oublier d’en faire profiter les coéquipiers : « Trois autres devaient venir mais ils n’ont pas pu à cause de leur vacances, je vais leur conseiller de revenir l’an prochain avec moi. »

 

Yvain, defensive back depuis cinq ans aux Templiers d’Elancourt a entendu parler de ce stage dans son club : « Deux coéquipiers qui avaient enduré le stage l’an dernier m’ont dit d’aller regarder sur le site internet de l’EIFA et cela m’a donné envie ». Inscrit toute la saison sur la feuille de match de l’Equipe Elite, « je n’ai pas eu de temps de jeu, même si j’ai progressé. Mon objectif est d’avoir désormais ma place dans l’équipe en D2 ou bien d’être un élément moteur de la réserve pour monter en D3. » Lui n’est que demi-pensionnaire et rentre dans les Yvelines dès la fin de la séance vidéo programmée après le déjeuner, sieste réparatrice oblige. « On apprend tellement de points techniques que j’en arrive à être frustré. Les coaches ont une approche technique différente et je retrace chaque soir tous les exercices effectués, ne serait-ce que pour mettre un nom sur ce qui a été fait afin de ne pas l’oublier », explique-t-il. Il ne soulève qu’un seul bémol, « le manque d’anticipation sur certaines séances vidéo, du coup on perd du temps, mais je suis très exigent ! »


Running back

La defensive Line tente d'empêcher l'offensive line de passer

 

La vidéo, outil essentiel

Après le déjeuner pris sous un barnum, tous les participants se donnent en effet rendez-vous dans une salle privatisée du « Buffalo » voisin. Les coaches montrent les points à améliorer, preuves à l’appui, et chaque joueur est donc mis sur le « grill ». Anthony Lucka, coach des Linebackers, insiste sur ce point : « Les images ne mentent pas, il n’y a pas de justifications possibles. On a beau répéter les choses sur le terrain, certains ont besoin de voir », explique-t-il avant de s’isoler avec l’un de ses protégés : « Ton premier step aurait pu te faire gagner un demi-yard et cela aurait fait toute la différence », dit-il en montrant le pied d’appui sur l’écran. « La vidéo est vraiment très importante. On ne l’a jamais fait aux Templiers mais on devrait, cela ferait progresser l’équipe », soupire Yvain. « Je regrette d’être le seul des Templiers quand je vois que les Météores sont cinq ou six ! Eux seront en position de force pour négocier la mise en place de séances vidéo auprès de leurs coaches », explique-t-il. Même constat pour Jonathan : « Dans mon club, on ne fait jamais ce travail et c’est vraiment très bien de pouvoir le faire ici. On sait désormais ce qu’on doit travailler ! »

 

Cédric Essermeant Cédric Esserméant s'occupe de la vidéo

 

Larry, receveur des Météores, fait parti des vingt que Cédric Esserméant appelle les « ambassadeurs ». Déjà présent l’an passé avec ses autres coéquipiers, il a pu communiquer dans son club et engrener d’autres joueurs. Il peut surtout comparer les deux éditions : « les conditions se sont améliorées : on est plus frais l’après-midi et on peut mieux profiter des séances vidéo plus longues. La grosse différence se situe au niveau des changements de planning, les drills ont été simplifiés, nous sommes suivis par des coaches spécialisés et nous avons eu un plan de préparation physique peu avant le stage : il y avait eu beaucoup de blessés l’an passé et les organisateurs ont su s’adapter. Ce plan peut nous servir en plus pour la saison à venir. Sinon la base reste identique : on nous fait faire un jeu pour lequel chaque point aura été travaillé en amont, que ce soit les blocages, le tracé, le nombre de pas… » énonce-t-il. S’il est venu « pour la bonne ambiance », il a été surpris d’apprendre « encore d’autres choses que je vais noter et m’efforcer d’exécuter lors des practices. »

Le lendemain, le retour sur les terrains est difficile pour certains. Les jambes raides des linemen ou les bras ankylosés des quaterbacks se font sentir et se voient sur les visages grimaçants. Pourtant, ces douleurs n’entament ni l’envie ni l’enthousiasme des participants. Le « réchauffement » quotidien se fait toujours sous la direction de Charles-Antoine Sinotte, MVP étranger de la saison Elite. Jonathan sait la chance qu’il a : « J’ai appris beaucoup sur la technique et sur les positions avec lui. C’est énorme, je l’ai vu en vidéo mais là, je suis formé par lui : il sait de quoi il parle. » Après avoir travaillé des aspects techniques avec leurs coaches de position, les chasubles noires de la ligne défensive affrontent les blanches de la ligne offensive afin de préparer le scrimmage du dernier jour, sous les regards attentifs des « shadow coaches »1.

 CA Sinotte explique les pas

Charles-Antoine Sinotte donne des explications à ses receveurs

 

« That’s it ! Good job, guys ! »

Fabrice, ancien joueur, fait partie de ces « entraîneurs de l’ombre » venus « se perfectionner. L’idée c’est d’apprendre et de comprendre et surtout de restituer ces connaissances aux joueurs et coaches qui n’ont pas eu la chance de venir ici. » Calepin à la main, il note les objectifs, les exécutions des drills. « En aucune manière nous ne sommes là pour coacher les joueurs », précise-t-il. « Par rapport à ce que je pensais, c’est vraiment très sérieux », dit-il en appuyant sur la qualité de l’encadrement technique. « Quand je rentrerai à la Rochelle, je vais digérer la somme d’informations, en faire une présentation que je diffuserai ensuite à tous les licenciés. » La réunion « coaches - shadow coaches » programmée après la séance vidéo est faite pour enlever toute part d’ombre. « C’est vraiment un moment d’échanges où l’on revient sur l’entraînement du matin mais où certains posent des questions plus générales ou qui concernent leur club : comment gérer l’absentéisme, motiver les joueurs ?…  Je suis sur un nuage depuis quelques jours, je n’ai pas envie que ça s’arrête ! »

scrimmage coach Frank

 

Coach Frank donne de la voix!

 

En ce dernier jour, ce sentiment est partagé par tous les joueurs. Excités à l’idée de montrer leurs progrès lors de l’opposition de soixante jeux, certains sont venus tôt pour se faire masser ou se faire mettre un strap par l’ostéopathe2, d’autres effectuent les derniers tests sur des chevilles au bord de la rupture. Tous ont une énergie débordante malgré la pluie diluvienne qui s’abat sur le terrain et les oblige à regagner en hâte les vestiaires. Heureusement, elle sera de courte durée. Les lions sont enfin libérés dans l’arène et la bataille entre la défense et l’attaque fait rage : chaque joueur désirant devenir l’un des sept MVP du stage. « Coach Frank » contrôle le temps. Tous les autres coaches donnent leurs consignes et vivent l’opposition comme s’il s’agissait d’un match de championnat : « That’s it ! Good job, guys ! », répète Anthony Lucka, chargé des linebackers. A sa plus grande joie, la défense l’emporte finalement. Les participants prennent les dernières photos avec leurs coaches, promettant pour la plupart de revenir l’année prochaine. Un cercle se forme autour de l’entraîneur en chef pour écouter l’ultime débrief, conclut par un inévitable « Bonsoir Coach ! »

 

photo collective fin d'article

"C'est Tiguidou!"


1 : A lire, l’article « Un camp pour une tribu » 

2 : A lire, l’entretien avec Sylvain, l’ostéopathe du camp « l’homme qui fait tout de ses dix doigts »


 

Thomas Deligny

Article publié le 07 juillet 2011 sur Footballamericain.com

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L’EIFA en chiffres :

 

14 : Le nombre de trophées MVP décernés (7 sur chacun des stages Nord et Sud)

17 : Le nombre « d’ambassadeurs », joueurs déjà présents l’an passé au premier stage.

20 : Le nombre d’heures d’entraînement, ce qui équivaut à 5 semaines d’entraînements en club.

43 : Le nombre d’inscrits sur le camp EIFA Nord (organisé avec les Diables rouges de Villepinte)

54 : Le nombre d’inscrits sur le camp EIFA Sud (organisé avec les Argonautes d’Aix-en-Provence)

90 : Le nombre de minutes d’inviduel par jour : ce qui équivaut à 7 semaines d’entraînements en club.

95 : Le nombre de pages du plan de préparation physique envoyé aux stagiaires.

19 000 : En euros, la somme correspondant aux frais fixes du stage

45 000 : En euros, le budget du stage

 

 

Publié dans Reportages

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